Bien
Vivre son Confinement
Conseils d’astronaute pour mieux vivre son
confinement : Michel TOGNINI nous parle Confinement et Liberté.
Michel Tognini, astronaute,
est l’un des 10 français à être allés dans l’espace. Après avoir été pilote de
chasse, ingénieur officier et pilote d’essai, Michel Tognini s’est porté
volontaire pour être astronaute. En 1986, il commence son entraînement et
effectue un premier vol dans l’espace en 1992, puis un deuxième vol en 1999
avec la NASA. De 2005 à 2011, Michel Tognini a été Chef du Centre Européen des
Astronautes (EAC). Nous sommes allés à sa rencontre (par téléphone,
distanciation sociale oblige) et avons parlé confinement, perception du temps,
capacité d’adaptation de l’Homme et liberté.
Michel Tognini nous raconte.
« En juin 2010, un
équipage de six personnes a été confiné dans un simulateur spatial. C’était la
mission Mars 500. Son but était de recréer les véritables conditions d’un
voyage aller-retour vers Mars afin de savoir si l’Homme était psychologiquement
et physiologiquement capable d’endurer le confinement sur une longue durée. En
tout, l’équipage est resté confiné durant 520 jours. Le confinement est
quelque chose de bien connu pour les astronautes.
« Un individu qui résiste
bien au confinement possède
de la congruence, de
l’humilité, de l’assertivité et de la motivation »
Aujourd’hui, lorsqu’on choisit les membres d’une mission, on ne fait
plus autant attention qu’avant aux capacités purement techniques d’un
astronaute. Ce que nous recherchons surtout aujourd’hui, ce sont des qualités
psychologiques regroupées en quatre domaines que j’ai résumés sous le signe
CHAM. C pour Congruence. C’est l’alignement : je pense, je dis, je fais. H pour
Humilité, les missions sont compliquées, nous devons pouvoir reconnaître nos
erreurs afin d’ajuster son comportement et agir pour réparer l’erreur. A pour
Assertivité. Elle est fondamentale. En étant confiné durant une durée plus ou
moins importante avec un groupe restreint de personnes, on ne doit être ni
agressif, ni passif. Et enfin, M pour Motivation. Avoir de la motivation
interne est important.
Un individu qui résiste bien au confinement possède de la congruence, de
l’humilité, de l’assertivité et de la motivation.
“C’est important de
reconnaître et de parler de ses facteurs de stress.
Il faut accepter ses baisses
de moral, ne pas les nier […]
Nous ne sommes pas des
surhommes. ”
Pour tenir dans la durée un
confinement, il faut rester connecté, avoir tous les jours des échanges
avec ses proches. Lorsqu’on est dans l’espace, nous gardons toujours une
connexion avec le sol importante, même si celle-ci est différée. Deuxième
chose, c’est important de reconnaître et de parler de ses facteurs de stress.
Il ne faut pas les nier. C’est normal d’avoir des moments de faiblesse, nous ne
sommes pas des surhommes. C’est être congruent que de reconnaître par rapport à
soi-même quand ça ne va pas, puis d’en parler à d’autres. Il est aussi
important de bien dormir car le sommeil est un moment de récupération
important qui ôte le stress. En mission, un astronaute dort environ 8h par
nuit. Ensuite, il faut réussir à se détendre chez soi : regarder
des films, lire… Moi j’adore la musique : jouer d’un instrument, chanter, ou
écouter de la musique tout simplement. Si certains ont un petit jardin ou un
potager, c’est bien de faire pousser ses propres plantes. Développer des
choses soi même est très agréable psychologiquement. Et enfin, faire des
plans sur le futur, qu’est-ce qu’on peut faire de mieux par la suite, faire
des tâches qu’on n’a pas réussi à faire avant, se mettre à jour.
Pour nos astronautes, lors de longues missions de confinement, le
soutien psychologique est fondamental. Nous leur donnons un support
psychologique avant, pendant et surtout après la mission car ce sont des
missions déboussolantes.
“Avec le confinement, la
notion de temps devient rapidement floue […].
Découper sa journée entre
différentes phases aide à gérer l’incertitude de la situation”
Avec le confinement, la notion de temps devient rapidement floue. Il est
pourtant important de bien structurer son temps. Lorsqu’on est dans l’espace,
nous faisons le tour de la terre en 90 minutes. En une journée, nous vivons
donc 16 jours. Nous instaurons alors un rythme très régulier du lundi au
vendredi soir pour ne pas se laisser déboussoler. Dans l’espace, notre temps de
travail est réparti en 1/3 d’expériences scientifiques, 1/3 de maintenance, réparation
de la station et enfin 1/3 entretien de soi même, manger, laver, faire du
sport, prendre soin de soi. Il faut régler précisément ses journées, tout en
restant flexible lorsqu’un événement extérieur et non prévu arrive.
Découper sa journée entre différentes
phases aide à gérer l’incertitude de la situation. Ce que je fais
personnellement, ce sont des listes de priorités que je mets à jour tous les
soirs pour le lendemain et j’essaye de m’y tenir.
Si vous avez des difficultés à
réaliser ce que vous aviez prévu, ce que je fais, c’est que j’essaye de me
mettre des objectifs simples et réalisables. Par exemple, à un moment
donné je n’arrivais pas à me concentrer pour lire beaucoup. Et bien, je me
mettais comme objectif du jour de lire une page, puis le lendemain, lire deux
pages. Je reste à ce niveau quelques jours puis j’augmente de nouveau. Et c’est
vrai pour ranger sa maison, ses papiers, trier ses emails, etc. Plus les
objectifs quotidiens sont simples, plus on les atteint facilement, et plus
c’est valorisant et gratifiant.
« Aujourd’hui, cette pandémie
nous met tous face à un objectif commun :
survivre avec simplement son
cerveau et son habilité à s’adapter. »
Je me suis rendu compte que les gens vivent mieux le confinement que ce
que je pensais. Quels que soient les âges, les êtres humains
s’adaptent. Dans les vols spatiaux, on modifie la gravité et donc
l’organisme de l’être humain : ses organes changent de forme, le système
vasculaire change, le cerveau change, on va évoluer avec une nouvelle façon de
vivre : celle de flotter. Et pourtant, l’astronaute apprend et
s’adapte.
Aujourd’hui en confinement, on doit s’adapter à une nouvelle façon de
vivre et cet apprentissage est positif car il nous fait sortir de notre
environnement classique. Il nous fait sortir de “la boîte” et réfléchir
différemment. Apprendre de nouvelles choses fait du bien à l’Homme. Chaque
être humain a le potentiel pour s’adapter à tout. A tout âge, l’Homme s’adapte
constamment, et cela concerne tout le monde. Aujourd’hui, dans ce
confinement, il n’y a plus de riches et de pauvres, on est tous confinés chez
nous. Cette pandémie nous met tous face à un objectif commun : survivre avec
simplement son cerveau et son habilité à s’adapter.
« L’être humain dit avoir
besoin d’espace et de nature pour s’épanouir et voyager.
Il se trompe. Cette liberté,
elle est surtout mentale »
Il y a quelques années, j’ai fait une conférence dans une prison à
Toulouse, à des prisonniers ayant des peines allant de 10 ans à 20 ans. Ils
étaient enfermés, et moi, pilote et astronaute, je représentais la liberté.
Nous étions complètement décalés au niveau de notre vie réelle. J’essayais de
leur communiquer le fait que l’évasion et le bien-être, se jouent
principalement dans leur tête. Je leur apprenais sur les planètes,
l’espace, les étoiles car sortir de son environnement terrestre nous fait
grandir même si on est en prison. On pense que l’être humain a besoin d’espace
et de nature pour s’épanouir et voyager, mais cette liberté, elle est surtout
mentale. »
Synthèse
·
Structurer sa journée :
travail, maintenance de la maison, prendre soin de soi,
·
Reconnaître ses facteurs
de stress et en parler,
·
Ne pas négliger son
sommeil en veillant trop tard. 8h par nuit,
·
Cultiver sa liberté
mentale,
·
Ne pas oublier que notre
capacité d’adaptation est sans limite.
06 avril 2020 -
https://lab.omind.me/nasa-michel-tognini-astronaute-esa-covid19-confinement-et-liberte/
article et reportage réalisé par FRANCE SPECTACLE AERIEN….
prenez en de la graine
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